Heureux l'homme de la nature
Qui, loin de l'homme faux, loin de l'homme de cœur,
Cultive un petit champ et peut, à son retour,
Manger en paix dans sa cabane obscure,
Le pain que, sous le poids du jour,
Son travail généreux a gagné sans murmure !
Il voit avec plaisir sa femme et ses enfants
Préparer, de leurs main diligentes et chères,
Le mets simple et les vêtements
Qui lui sont devenus à la fin nécessaires.
Qu'il est riche! qu'il est heureux
Celui qui vit dns l'indigence !
Au ciel adresse-t-il des vœux ?
Ils sont formés par l'espérance.
Joyeux, les voit-ils exaucés ?
Aussitôt la reconnaissance
Dit : Je vis, Dieu bon ! c'est assez
Qu'ai-je besoin de l'opulence?
Son cœur pur ne connaît jamais
Les craintes, le tourment d'un misérable avare.
Si d'un travail trop long le dangereux excès
Le fatigue, l'épuise, eh bien ! la nuit répare
Tous les maux que le jour a faits.
Il ne voit pas en songe une effrayante image,
Et du meurtre et du brigandage,
Il veille en sage, il dort en paix.
La brillante rosée inonde et couvre encore
Les fruits, la verdure et les fleurs.
Du sommeil quittants les douceurs,
Il se lève, il prévient l'aurore,
Et, saluant le jour qui vient blanchir les cieux,
Il reprend ses travaux et ses propos joyeux.
Il n'est point des remord a renaissante proie,
Ni le crime, ni la terreur
Ne troublent un moment son innocente joie.
Chaque idée est pour lui l'image du bohneur;
Il vit, sa famille est contente.
Qu'a-t-il à désirer? Rien. Pendant tout le cours
Du long jour de sa vie, il vit, travaille, et chante :
Lui seul peut être heureux, et lui seul l'est toujours.